
À l’origine du film « Love Me Tender », il y a le livre éponyme de Constance Debré. Un livre singulier, âpre, tendu, brutal, un « roman » très autobiographique dont la lecture laisse des traces fortes, durables. Constance Debré y raconte, sans pathos, d’un ton presque détaché comment elle a quitté une existence confortable d’avocate brillante, issue d’un milieu très bourgeois, mariée depuis vingt ans et mère de Paul, un garçon de huit ans, pour écrire et mener une vie de plus en plus dépouillée, sans avoir « de maison, de famille, d’amour, d’argent ». Mais, depuis qu’elle lui a dit « j’ai des histoires avec des filles » son mari l’empêche de voir son fils. L’affaire finit devant la justice et Constance n’obtient, avec beaucoup de difficultés et au bout d’un long délai, qu’un droit de visite d’une heure tous les quinze jours, dans un espace spécialisé, en présence de spécialistes de la petite enfance, agréés par le tribunal. Et ce droit minimal n’est même pas toujours respecté du fait de la mauvaise volonté du père !
De nombreux réalisateurs voulurent porter ce livre à l’écran. Constance Debré attachait une grande importance au choix du réalisateur et c’est en confiance qu’elle choisit Anna Cazenave Carbet. Mais, à partir de là, « elle m’a laissé les clés du château », nous a déclaré la réalisatrice.
Son adaptation est tout à fait convaincante. D’abord grâce à un excellent casting :Vicky Kprips incarne une héroïne troublante, à la fois forte et fragile, entière dans ses choix , déterminée. Viggo Ferreira-Redier, qui joue le rôle de Paul, est un enfant extrêmement expressif, nuancé « un grand acteur », dit sa réalisatrice. Autre atout du film : la musique, savant mélange d’électro et de classique, qui « accompagne l’évolution du personnage ». Ensuite, la voix off qui, dans tout le film, « transmet la voix de C. Debré » : Anna Cazenave Carbet pense qu’on a tort de se méfier des voix off « elles donnent au récit un côté « il était une fois » très intéressant. De toute façon, il était important de faire entendre au spectateur le style si particulier du livre. Une différence cependant entre livre et film : alors que le roman est bref, le film dure plus de deux heures. La réalisatrice défend ce choix , « parce que cette histoire le nécessitait » . Elle soutient d’ailleurs que les spectateurs d’aujourd’hui n’ont plus peur des films longs comme le montre le succès des « Trois mousquetaires »…. Peut-être …
« Love Me Tender » est un film émouvant et attachant qui ne laisse pas indifférent. C’est aussi une condamnation bienvenue de » l’homophobie et, d’abord, de la misogynie », sujets dont Anna Cazenave Carbet « avait à coeur de parler »;
Jean-François MARTINON
