
« La Pire Mère au Monde » est un film très singulier . Pour résumer notre impression, disons que c’est une histoire à la Ponson du Terrail jouée à la manière des Pieds Nickelés ! Expliquons-nous.
Ponson du Terrail, le père de Rocambole, est réputé pour ses romans d’aventures extraordinaires , marqués par des rebondissements perpétuels, des retournements de situation, des révélations inattendues, des personnages qui se métamorphosent et révèlent leur vraie nature, à l’opposé de ce qu’ils paraissaient être, ou, encore pour ses dénouements aussi dramatiques que surprenants ! On trouve tout ça dans le scénario de « La Pire Mère au Monde » qui ne recule devant aucune invraisemblance pour faire rebondir sans cesse l’action.
Quant aux Pieds Nickelés, ce sont des personnages très typés, réduits à une seule caractéristique dont la prétendue naïveté permet à l’auteur d’exprimer moqueries et critiques. Dans le film, les (excellents ) acteurs prennent , semble-t-il, un grand plaisir à charger leurs personnages, à pousser au maximum leur interprétation.
Bref, le film joue à fond, sur-joue même, la carte de la caricature, poussant à l’extrême tous les curseurs de mise en scène . Les décors, baroques à souhait, expressionnistes même, et la musique, étonnant patchwork d’électro et de classique, participent à l’entreprise faisant du premier long métrage de Pierre Mazingarbe une œuvre profondément inactuelle, dans la filiation des romans feuilletons du XIX° dont le cinéma s’est emparé dès ses origines ( la première adaptation de Rocambole date de 1914 ! )
On peut, sans doute, aborder le film au premier degré, se laisser captiver par les destins improbables des personnages, bref traiter l’œuvre comme un film d’aventure sans se soucier de vraisemblances ni même de cohérence. On trouvera, je crois, davantage encore de plaisir à prendre un peu de recul, à se demander à chaque instant jusqu’où l’auteur ira, « qu’est-ce qu’il va encore inventer » pour nous surprendre, pour nous épater ! Et à apprécier le jeu des acteurs . Il est fascinant de voir Louise Bourgoin « en faire des tonnes » pour incarner une magistrate dévorée d’ambition et quelque peu victime du complexe d’Oedipe, Muriel Robin justifier en trois répliques vaches et une mine renfrognée le titre du film ou encore Florence Loiret Caille, capitaine Chaton dans la gendarmerie, prouver qu’on a tort de se fier aux apparences ! On jubile à voir ces faibles (?) femmes triompher d’un monde furieusement phallocratique où tous les personnages masculins sont épouvantables ! Tous les acteurs poussent leur jeu jusqu’à faire de leurs personnages des silhouettes non pas naturelles mais plus vraies que nature, extrêmement expressives ! Un régal !
Ajoutons que le film a été tourné en AURA, à Lyon et dans d’autres villes de l’agglomération et qu’il est soutenu par la région. Même si l’essentiel de l’action est censée se dérouler dans une petite ville imaginaire, on a plaisir à retrouver à l’écran les paysages qui nous sont familiers.
Au total, nous avons été conquis par ce film « pas comme les autres » ainsi que l’a caractérisé Muriel Robin, enthousiaste, lors de la présentation de « La pire Mère au Monde » à Lyon.
Jean-François Martinon
