
Agnès Desarthe est née en 1966 dans une famille d’intellectuels. Elle est la fille d’Aldo Naouri le célèbre pédiatre et la sœur de Laurent Naouri, baryton. Agrégée d’anglais, elle a été traductrice avant d’écrire d’abord pour la jeunesse puis pour adultes.
Elle a publié ses 15 romans tous édités aux Editions de l’Olivier. Son premier texte: « Je ne t’aime pas Paulus » a été publié quand elle n’avait que 26 ans. Elle a eu de nombreux prix pour ses romans et pour ses traductions, comme celles de Virginia Woolf ou Loïs Lowry : Livre Inter, Prix Marcel Pagnol, Prix Fémina, etc…
Elle est venue à la librairie Garin de Chambéry le 10 octobre présenter son dernier roman : « L’oreille absolue »
Nous apprenons , en lisant les remerciements, que ce texte est né d’une commande de la Scène Nationale de Dunkerque. Cette origine explique la raison du milieu musical de ce roman polyphonique enlevé.
Dans un petit village de bord de mer, des personnages se retrouvent grâce à la musique au sein de l’harmonie municipale. Ils habitent presque tous dans la commune. Tout le monde se connaît. Le concert de Noël approche.
Lors du conseil municipal d’avant Noël, «Monsieur le maire» explique que personne ne doit mourir parce que : « Nos morts, on ne sait plus où les mettre. Le cimetière est plein ! » « C’est un hiver où rien ni personne ne doit mourir. Les rosiers continuent à porter des fleurs, plus chétives qu’au printemps, moins parfumées qu’en été, aux pétales décolorés presque transparents. »
Pourtant dans ce village bien calme la mort rôde.
Mais la vie résiste pendant au moins une journée, comme grâce à un sortilège:
Un petit garçon plein de vie rencontre et sauve un homme prêt à se pendre. Antonio Rodriguez se penche pour regarder des fourmis alors que la balle tirée par son beau-père, chasseur, passe dans ses cheveux. Gervais tombé du toit est presque ressuscité, par une grive musicienne qui lui picore les lèvres. Papi Lorenzo échappe à l’étouffement grâce à sa femme Pépita. Émile a failli passer sous les roues d’une voiture …
Sonya, une timide petite fille était ignorée par tous dans le bourg. La phrase « Ce n’est pas grave» l’avait accompagnée toute son enfance. Dotée de l’oreille absolue, elle est devenue une musicienne reconnue. Elle retourne au village après plusieurs années. Son don lui a permis, enfant, d’observer, d’écouter, de comprendre et de se souvenir de tous les liens qui relient les acteurs de ce village.
En arrivant, elle croise un grand nombre d’habitants : Mariette Legarni, et Valentin, son chat boiteux, Exode Pasquier, Astrid Chamdorge, Goneril qui loupe tout, Raoul Lanversau l’étranger, alsacien ou allemand, qui chante si bien.
Au concert, elle rencontre Jocelyne, la gardienne de la garderie qui lui dit :«Tout le monde est fier de toi ici» Finalement elle ne passait pas inaperçue.
Agnès Desarthe écrit avec précision les rapports cachés des habitants. Elle a l’art du détail révélateur des caractères de chacun faisant exister chaque personnage, 54 au total! aux noms si bien trouvés. Au-delà de l’harmonie municipale, c’est bien l’humanité qui est décrite. Un livre court qui se lit rapidement mais qu’on n’oublie pas.
Claude Guest
PHOTO : « L’oreille absolue », dernier roman d’Agnès Desarthe. Photo Céline Niezawert
