Mémoires sauvées de l’eau,   de Nina Léger

Nina Léger est née en 1988 à Antibes. Elle est diplômée de l’École normale supérieure de Lyon et a obtenu en 2017 un doctorat en théorie de l’art . Elle enseigne aux Beaux-Arts de Marseille.

« Mémoires sauvées de l’eau », publié chez Gallimard, est son quatrième roman, après « Histoire naturelle »,  « Mise en pièces » ( prix Anaïs-Nin) et « Antipolis » qui décrivait la création de Sophia-Antipolis.  Ce quatrième roman a reçu le prix du roman historique décerné à Blois au Festival Les rendez-vous de l’histoire en 2024. !

  En  1847, les États-Unis n’ont pas encore arraché la Californie au Mexique . Un commerçant suisse, John Sutter, endetté, a quitté cinq ans plus tôt sa ville natale, Berne, pour le nouveau monde. Il débarque à New-York, traverse les États-Unis . S’installe en Californie, prend la nationalité mexicaine, fait fortune dans le commerce et l’élevage. En 1848 , le 24 janvier la Californie devient américaine et Sutter devient américain. Pour agrandir son empire il a besoin de bois. Il envoie son charpentier, James Marshall  construire une scierie entre les rivières Sacramento et Feather. Pour la faire fonctionner il utilise l’énergie des rivières. Et c’est alors que Marshall découvre de l’or dans le lit de ces rivières. C’est le début de la ruée vers l’or. Des villes naissent et disparaissent. Comme Oroville qui porte bien son nom, une des premières à naître et qui résistera au temps. 

En 2020 Théa, géologue, travaille sur le barrage construit sur la Feather river. qui rejoint Sacramento River un peu plus au sud. Les méga-feux la poussent à partir à San-Francisco. Entourée d’amies de diverses origines elle fait des recherches sur la raison de ces gigantesques incendies. On découvre peu à peu la construction de la Californie dans la violence.  Nina Léger nous décrit la folie de l’or, le détournement des rivières, un peuple  autochtone qui sera complètement exterminé. Le récit est ponctué d‘articles de journaux et de discours de l’époque. Ainsi le discours de Peter Burnett , gouverneur de Californie, qui déclare le 7 janvier 1851 :

«L’homme blanc pour qui le temps est de l’argent et qui travaille dur, chaque jour, pour s’assurer une vie confortable, ne peut veiller chaque nuit pour protéger ses biens. Après avoir été volé quelques fois , il est contraint d’engager une guerre d’extermination (…) jusqu’à ce que la race indienne soit éteinte.»

En quelques années de recherches intenses, l’or s’épuise. Qu’importe, on plante des orangers après avoir irrigué ces champs avec l’eau détournée des rivières. Et la terre s’assèche, rendant les incendies dévastateurs.

On rencontre beaucoup de personnages ayant existé comme Ishi, le dernier indien de Californie, l’écrivaine et anthropologue Elizabeth Fisher, Alfred Kroeber, un des premiers spécialistes des populations autochtones.

C’est un livre passionnant. Il nous fait vivre la violence de la naissance d’un Etat,  nous apprend le passé rude, et mythifié de la conquête de l’ouest si glorifiée par Hollywood. Le ton reste heureusement tendre mais sans concession sur la brutalité de cette conquête.

                                                                       Claude GUEST

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