« DALLOWAY »: un thriller passionnant, remarquablement interprété .

Yann Gozian et Cecile de France présentent « Dalloway » à Lyon le 3/9 . (photo JFM )

« Dalloway » est un thriller, c’est-à-dire – selon Wikipédia ( je n’ai pas osé consulter l’I.A ! ) – un film « utilisant la tension narrative pour provoquer chez le spectateur une appréhension et le tenir en haleine jusqu’au dénouement de l’intrigue ». Et c’est ce que le film réussit à la perfection  : dès les premières images, on s’attache à Clarisse, une romancière en mal d’inspiration qui est reçue en résidence dans une luxueuse et ultra-moderne fondation pour artistes où elle retrouvera – espère-t-elle – l’inspiration. Pour cela, on lui offre une « assistante électronique » qu’elle baptise « Dalloway » en hommage à Virginia Woolf sur laquelle elle tente d’écrire. Une étrange complicité se noue entre la romancière, très solitaire et fragile, et la machine qui lui parle d’une voix bienveillante et chaleureuse…

La réussite d’une entreprise de la sorte repose d’abord sur un scénario très efficace . Yann Gozian, le réalisateur, l’a écrit (avec Nicolas Bouvet et Thomas Kruithof) à partir d’un roman de Tatiana de Rosnay qui se nourrit habilement des angoisses d’aujourd’hui : pandémie ou réchauffement climatique sont évoqués en plus des interrogations sur la place de la technologie dans nos vies quotidiennes .

Mais ce qui fait que le spectateur rentre dans le jeu, c’est l’interprétation : il faut que l’on s’identifie au héros, qu’on partage ses émotions , ses découvertes, ses inquiétudes puis son angoisse, sinon ça ne « marche » pas, on reste extérieur à l’histoire, aussi intelligente soit elle ! Et là Gozian a excellé, en confiant le rôle de Clarisse à Cécile de France. Cette grande actrice déploie dans le film toute l’étendue de son talent, révélant avec justesse toute une palette d’émotions, sans jamais « en faire trop », toute en retenue, avec un sens aigu de la justesse . Une magnifique performance d’actrice, du grand art ! Mais si Cécile de France est souvent seule à l’écran ( qu’elle ne quitte pas du début à la fin du film), elle ne joue pas en solitaire : elle est presque constamment en dialogue avec Dalloway, son assistante invisible à la voix harmonieuse. Car – miracle de l’I.A. – les choses ont bien évolué depuis 2001 : la machine n’a plus le débit saccadé et l’accent mécanique de l’ordinateur du film de Kubrick ! Dalloway parle comme vous et moi, ses intonations sont variées , son ton spontané ….et c’est très troublant . Pour tenir ce rôle car, nous a dit Gozian, « c’est un personnage à part entière » – le réalisateur a fait appel à Milène Farmer, qu’il avait entendue dans une interview et dont il avait admiré «  la grande précision de la diction ». La chanteuse a intégralement enregistré les répliques de Dalloway avant le tournage et c’est à travers une oreillette que s’est déroulé son dialogue avec Cécile de France.

« Dalloway » est un film passionnant, qui, mine de rien, nous pousse à nous poser des questions fondamentales, « une métaphore du conflit entre les hommes – avec un grand H – et la machine », dit Gozan avant d’ajouter « c’est quoi notre singularité en tant qu’êtres humains quand nous avons perdu le monopole du langage ? ».  Vastes questions qui ne gâchent en aucune façon le plaisir qu’on a à voir le film !

Jean-François Martinon

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