
Hafsia Herzi et Nadia Melliti présentent « La Petite Dernière » au Comoedia le 27 septembre. (Photo JFM)
LA SORTIE DU FILM EST REPOUSSÉE AU MERCREDI 22 OCTOBRE .PATIENCE !
« La Petite Dernière », c’est d’abord un livre, un livre formidable de Fatima Daas, qui a fait grosse impression à sa sortie en 2020. On comprend que Hafsia Herzi ait eu envie de faire un film avec cette histoire, « jamais vue au cinéma », nous a-t-elle dit, d’une jeune fille, française d’origine algérienne, musulmane pratiquante, lesbienne. Mais porter à l’écran le livre de Fatima Daas n’avait rien de facile car il se présente comme une suite, un bouquet, de monologues, courts chapitres commençant tous par « Je m’appelle Fatima Daas », dessinant un portrait kaléidoscopique de l’autrice. Certes, beaucoup de ces fragments d’autobiographie, s’échelonnant sur toute la vie de Fatima, du collège à la Fac, de Clichy au « bled » de ses origines familiales, nous content des moments de vie pris sur le vif, mais il n’était pas simple de construire une continuité, une cohérence, à partir de ces instantanés. Hafsia Herzi s’est tirée avec brio de ces difficultés et le film, resserré sur une année, est parfaitement construit, avec des ellipses qui évoquent, un peu, le côté discontinu du livre.
Le film décrit avec précision et beaucoup de délicatesse la vie quotidienne d’une famille d’immigrés dans une lointaine banlieue parisienne : l’ambiance du foyer est chaleureuse, les relations entre Fatima, ses deux sœurs et sa mère très affectueuses. (dans le livre il est fait brièvement allusion à la violence du père mais le film n’en fait pas mention). Il y a du Ken Loach dans cette peinture d’un milieu populaire. Cela tient la justesse de l’interprétation : les acteurs et figurants, le plus souvent non-professionnels, ne font pas semblant ! Ainsi le médecin spécialiste de l’asthme et l’ iman de la mosquée de Paris jouent leur propre rôle ! Mais c’est surtout Nadia Melliti qui retient l’attention. Cette jeune femme, qui n’avait jamais fait de cinéma, incarne Fatima avec beaucoup de sensibilité, avec un naturel confondant : cette performance lui a valu le prix d’interprétation au dernier festival de Cannes, récompense rarissime pour une débutante ! Quand nous lui avons demandé comment elle avait fait pour réussir cet exploit elle nous a répondu modestement qu’elle avait été très bien dirigée par Hafsia (Herzi) et qu’elle avait beaucoup discuté de son personnage avec Fatima Daas. La réalisatrice, quant à elle, nous a dit avoir été conquise par Nadia dès le premier casting et, ayant appris que la jeune fille jouait au football, avait modifié le scénario pour intégrer cette particularité au personnage de Fatima. Manifestement, l’actrice faisait une confiance totale à sa réalisatrice : elle nous a dit avoir découvert lors de la projection du film à Cannes, qu’il comportait autant de gros plans sur elle !
« La Petite Dernière » est un grand film et sa réalisatrice, qui est aussi une actrice confirmée (pour mémoire, elle tenait le premier rôle dans « Borgo » de Stéphane Demoustier), est, sans conteste, une artiste importante avec laquelle il faudra compter !
Jean-François Martinon
