
Un jour comme ça par surprise, on entend une voix, un truc à part qui vous décolle des habitudes. Vous tendez l’oreille pour voir si c’est bien vrai tout ça, pour voir si vous n’entendez pas de travers. C’est qui ce type là qui chante, plutôt qui parle en chantant, qui vous scande des mots pleins de sens, de ceux qui vous accrochent au premier vers, qui trinquent à la santé de la poésie. Car vous êtes sûr que c’en est un, pas de doute.
C’est des histoires de morve des contes de gars content
de p’tit môme à sa mum de brouillon débutant
Qu’a lâché les tétons pour jouer les têtus
Qui tâtonne et s’étonne mais qui fait le velu
Terrifié d’infini étranger à la mort
J’étais le pas d’accord qu’en revoulait encore
quand en gosse je m’agace je repense à la grâce
D’une mamie émue qui m’disait d’une voix classe
Qu’j’étais quand même un rude chameau
Et le gars il a la voix si rauque, qu’elle semble tout droit venue des profondeurs de la mine, de là où ça rabote et lime le charbon des mots. Des mots à l’anthracite, tout juste sortis de la forge, que ça vous flanque un coup de grisou dans les tympans.
On a du
Brouillard dans l’cigare
Mais on refuse d’être dans l’cirage
Quand dans le bordel on s’égare
C’est pas qu’on essaye pas d’être sage
On en trouve encore à nous dire
Qu’on a rien compris à la vie
Arrête un peu ou on va rire
Ou explique si t’as envie
C’est vachement compliqué d’être né
Mais c’est marrant d’être vivant
On est tout le temps étonné
Et pis… et pis on s’ra pas mort avant
Alors c’est quoi, c’est ça la vie hein ?
Bah ça résonne
Boum, boum, badaboum
Et ça ne s’arrête pas, ça roule comme un tambour, une marche joyeuse, qui vous taille un morceau de choix dans la chair des mélodies. C’est là qu’on retrouve le complice, le frérot de langage, François Pierron, contrebassiste et compositeur. Y’a pas de fumée sans eux, c’est le duo qui fait la chanson, c’est du Loïc Pierron, du François Lantoine. Sans oublier les autres musiciens complices, qui en cours de route rejoindront le duo, Éric Philippon, Joseph doherty, Thomas Fiancette….
Ce sont les flammes d’une colère
Qui viennent embraser le regard
De l’éparpillement de mes frères
Mes copains du c’est pas trop tard
C’est une joie démesurée
De faire les grandes découvertes
De nos histoires sans passé
De nos conneries recouvertes
Notre fierté d’être sans haine
Et de retourner au charbon
En gueulant « les gars faut qu’on s’aime
Et le chemin sera moins long »
Et c’est pas fini et ça continue
Vas-y patron sers-moi un rêve
Je te le paierai en fou rire
Il est pas l’heure de la trêve
Si la scène est l’univers qu’ils arpentent en saltimbanques des planches, ils n’en n’oublient pas pour autant le studio. Les chansons sont toujours crées et jouées en public avant que d’être enregistrées. Badaboum (2004), Tout est calme (2006), à l’attaque (live 2008), j’ai changé (2013), Nous (avec le Very Big Expérimental Toubifri Orchestra, 2017) Fiers et tremblants (avec Marc Nammour, 2021) ainsi que deux albums en collectif en 2010 l
Les étrangers familiers, et Ronchonchons et compagnies.
On a vieilli dans nos croisements
C’est d’autres gens qu’en sont sortis
C’est réussi on est plus grands
Mais maintenant y’a moins d’ici
Je les ai vues toutes vos rencontres
Contre la montre vous m’avez plu
Je n’ai rien su de toutes vos hontes
Vous étiez nus
J’étais tout contre
Loïc Lantoine est un homme à prendre aux mots, je vous en donne ma parole.
Didier Venturini
PHOTO : Tout est calme et J’ai changé, deux des albums de Loïc Lantoine.
